Incidents de vol et plan de réactions /4
Autres problèmes
La liste des problèmes n’est pas exhaustive. Voici quelques problèmes parmi les plus fréquents.
Le risque de fermeture en air calme?
Lorsque l’on vole en aérologie calme, et sans faire de manœuvre il n’y a quasiment aucun risque de fermeture. La gestion des différentes fermetures sera abordée dans la 3ème partie de ce manuel.
Il existe tout de même une situation pouvant provoquer une fermeture : la traînée de sillage d’un autre aéronef peut provoquer une turbulence suffisante. De même que l’eau tourbillonne dans le sillage d’un bateau. Plus l’aéronef est grand et rapide, et plus vous passez près, plus la turbulence peut être marquée.
Une traînée de sillage (traînée induite), c’est un vortex : un enroulement des filets d’air dans un mouvement de spirale. Ce mouvement est capable de perdurer plusieurs secondes!
Vous devez donc éviter de suivre ou de croiser de trop près un autre aéronef et le cas échéant tenir votre aile pour éviter la fermeture, c’est à dire maintenir un peu de frein dans les deux commandes (disons 30 cm) et compenser une éventuelle perte de pression (voir le chapitre sur le vol en turbulence ici).
Attention l’utilisation de l’accélérateur rend la voile plus sensible aux fermetures.
Les problèmes de commandes de frein
Il y a plusieurs situations où l’on peut perdre l’utilisation d’une commande: la drisse de frein a fait un nœud, elle a cassé, le nœud reliant la drisse à la poignée s’est défait, la poulie s’est cassée et la commande s’est envolée, il y a une grosse clef, etc…
Dans ces cas, il reste tout à fait possible de se diriger à la sellette. Il est vrai que la voile n’est pas très maniable surtout si votre aile est grande et selon votre type de sellette.
L’autre solution consiste à piloter aux élévateurs arrière.
Se diriger aux élévateurs arrière
Pour augmenter la maniabilité, mais aussi pour pouvoir tenir la voile ou arrondir, il est possible de piloter aux élévateurs arrière.
La technique de base consiste à saisir les bons élévateurs à leur sommet (au niveau des petits maillons) et de piloter avec de petits mouvements du poignet : vers le bas, vers l’arrière, mais aussi parfois légèrement vers l’intérieur pour freiner davantage le bout d’aile.
Attention : le débattement est très faible : quelques centimètres seulement (disons 2 à 10 cm). Il faut être très progressif que ce soit pour tourner, pour contrer ou amortir un mouvement provoqué par l’aérologie, ou encore pour arrondir.
Nous reparlerons du pilotage aux élévateurs arrière car il s’agit aussi d’une technique pour pénétrer face à du vent fort dans une masse d’air agitée. C’est également une technique de pilotage performant pour le cross.
Oublier de s’accrocher dans la sellette
Malheureusement, on voit encore des accidents tragiques parce que le pilote décolle sans avoir attaché ses cuissardes. Ce n’est pas bien ! Mais la sanction pour ce petit oubli est souvent un peu sévère.
Bien entendu, le mieux est d’être toujours vigilant au décollage. Toujours bien faire sa visite pré-vol. Surtout lorsqu’il y a eu de l’attente au décollage et que soudainement un bon créneau de vol se présente et que tout le monde décolle dans la précipitation.
L’oubli des cuissardes risque de vous faire tomber très bas dans votre sellette. Vous risquez alors d’être retenu par les sangles latérales de la sellette sous vos bras. Vous ne tiendrez pas longtemps ainsi ! N’essayez pas d’aller rejoindre votre atterrissage !
Sachez qu’il existe une technique qui permet de revenir s’asseoir au fond de sa sellette. Il faut juste la travailler une fois ou deux sur un portique avec votre sellette.
L’idée est d’aller chercher un appui avec les pieds derrière les suspentes.
Pour cela il faut gainer ses « abdos » et s’aider en poussant avec les mains sur les élévateurs.
Une fois les pieds crochetés, la pilote peut libérer ses mains et venir chercher sa planchette au milieu du dos et la remettre en place sous les fesses. Il peut alors revenir en position assise et raccrocher ses cuissardes.
Si vous n’y arrivez pas, essayez de vous diriger en mettant plus ou moins de poids d’un côté ou de l’autre. Si le relief le permet, revenez au relief, choisissez des arbres et “arbolissez” ! On comprend bien que sur un décollage falaise ou en haute montage la visite pré-vol doit être d’autant plus importante. Mieux vaut se contrôler 10 fois qu’une !
Le concept de contrôle mutuel
Augmenter la sécurité collective, c’est augmenter sa sécurité personnelle.
Prenez l’habitude d’observer les autres pilotes au décollage. Il n’est pas nécessaire d’être moniteur pour cela. Regardez tous les points de contrôle que vous feriez pour vous. Un jour vous sauverez peut-être une vie. Un jour, un inconnu peut sauver la votre!
La faute d’inattention : le risque de collision.
L’un des plus gros dangers est la collision avec un autre aéronef, un câble ou une ligne électrique… Les conséquences d’une collision sont imprévisibles et peuvent être irréversibles. C’est la principale raison d’être équipé d’un parachute de secours lorsque l’on vole en air calme. Il est probable que le lancer soit la seule issue possible.
Le pilote doit faire en sorte que cela n’arrive pas car il s’agit évidemment d’une grosse faute d’inattention et d’anticipation (de votre part et/ou de celle de l’autre pilote). Même en conditions aérologiques calmes, le pilote ne doit jamais être trop oisif et contemplatif. Regarder le paysage, observer un oiseau, faire des photos ou jouer avec son nouveau vario-GPS, ne sont pas des actions anodines. Un peu comme bricoler son autoradio ou taper un SMS au volant. Il y a des situations où l’on peut se permettre d’être un peu contemplatif. D’autres où il vaut mieux être concentré sur sa navigation!
J’aurais préféré ne pas avoir d’image à vous montrer. Mais en 2015, une de mes élèves favorites est entrée en collision avec un autre élève en stage. A ma connaissance, c’est le deuxième cas de collision pendant un stage SIV sur le lac d’Annecy. Ce jour-là, il n’y avait que deux élèves en vol! Personne n’a rien vu venir: ni l’un ni l’autre des pilotes, ni l’un ni l’autre des moniteurs. Par chance, cette collision se termine bien. Les deux pilotes parviennent miraculeusement à se démêler et à revoler sans problème: pas de twist, pas de cravate, pas de rupture de matériel et aucun blessé.
Les conséquences d’une collision?
Se blesser
Des blessures corporelles peuvent se produire pour différentes raisons:
- Les deux pilotes se heurtent violemment
- Les suspentes ou les élévateurs provoquent la torsion d’un membre: un doigt, une main, un bras, un pied, une jambe, ou la tête.
- Les suspentes brûlent et coupent un membre ou le visage. C’est un des principaux risques.
La rupture de matériel
Il se peut que la collision provoque des ruptures matérielles: suspentes ou voile.
Les emmêlements irréversibles
Il est fréquent que les deux équipages restent emmêlés. Il faudra alors que chacun utilise son parachute de secours, en prenant son temps pour jeter le secours vers un endroit favorable.
Même si les deux ailes finissent pas se désolidariser, il se peut que les voiles ne soient pas en état de voler: cravates irréversibles, suspentes coiffantes, etc.
Comment réagir en cas de collision?
- Protégez vous le visage avec vos avant-bras en croisant vos poignets au niveau des yeux.
- Rangez vos jambes!
- Estimez la hauteur / sol, évaluez le taux de chute, et commencez à penser à votre secours…
La rupture de suspente
Une rupture de suspente peut arriver en réalisant des manœuvres radicales avec un matériel inadapté, mal entretenu, ou défaillant. Cela peut également se produire suite à une collision… Plus souvent, c’est à la suite d’un accrochage au moment du décollage: une suspente est restée coincée autour d’un cailloux tranchant par exemple. Comme dans le cas d’une clef, vous n’auriez pas dû décoller ainsi! Comme dans le cas d’une clef, cela provoque une déformation de la voile qui cette fois-ci n’est plus soutenue. Mais contrairement à une clef, c’est irréversible!
Dans la plupart des cas, si seulement une suspente haute est cassée, l’aile reste manœuvrable. Si plusieurs suspentes hautes sont cassées, cela peut s’avérer problématique.
La rupture d’une suspente basse, entraîne une déformation importante de l’aile surtout s’il s’agit d’une suspente avant ou B (il y a beaucoup moins de contrainte sur les C et les D). Mon expérience montre que, souvent, l’aile parvient tout de même à voler et reste manœuvrable. Mais on atteint ici les limites du raisonnable et il convient de faire une balance des risques et d’envisager l’utilisation du secours.
Comment réagir?
Une fois encore, si l’incident est survenu au gonflage et que vous avez réussi à décoller, cela signifie que l’aile est en état de voler. Pas de panique donc!
La priorité est de rester maître de ses trajectoires et ne pas focaliser son regard sur la voile.
Il faut bien sûr aller se poser ! Soyez vigilant et attentif au comportement de votre aile. Soyez très doux et progressif dans toutes vos actions de pilotage. Garder en tête la possibilité de « faire secours ».
Si vous avez cassé une suspente de bout d’aile, vous pouvez faire des oreilles symétriques pour retrouver un comportement connu.
Mais si la situation dégénère: absence de vent relatif, rotation incontrôlable, fort taux de chute… Il faut faire secours!
Le désuspentage
On parle de désuspentage pour évoquer une rupture massive des suspentes voir une rupture de toutes les suspentes. Les suspentes cassent les unes après les autres, car les suspentes voisines sont subitement sollicitées. Le pilote part alors en chute verticale et seul un solide parachute de secours avec un bon montage peut venir sauver le pilote.
Personnellement j’ai vécu plusieurs ruptures de suspente dont un désuspentage quasi complet. Heureusement c’est arrivé près du sol, entre 10 et 20 mètres, car je n’avais pas de secours ce jour là. J’essayais la voile personnelle d’une stagiaire en initiation. Cette voile n’avait pas été révisée et les suspentes faisaient partie d’un lot défaillant. J’ai mesuré chez Rip Air le niveau de rupture des quelques suspentes qui restaient: elles cassaient entre 5 et 10 kg! Il était facile de les casser à la main! Je m’en suis sorti avec une bonne entorse cervicale, un petit tassement vertébral et surtout une “paranoïa” sur le matériel.
Ouverture intempestive du parachute de secours
Soudainement, vous vous sentez stoppé net, vous entendez le bruit caractéristique d’un grand drap que l’on secoue et celui d’un velcro qui se « déscratche ». L’aile commence a vous doubler comme lors d’un mouvement d’abattée… Votre parachute de secours vient de s’ouvrir ! Il faut réagir vite : affaler la voile. Le mieux dans ce cas est d’affaler aux élévateurs B. Mais il faut agir très vite, car si la voile va trop loin devant, il devient impossible d’accéder aux élévateurs. Dans ce cas il faut affaler avec les freins: un ou deux tours de frein, et freinage ample et maintenu. Il faut aussi se préparer à l’impact notamment en regardant en bas.
Il y a de multiples occasions provoquant une ouverture intempestive de votre parachute de secours :
- Mauvaise pré-vol: la poche du secours de votre sellette était mal fermée, la ou les goupilles étaient mal positionnées.
- Mauvais matériel ou mauvais montage du secours dans la sellette.
- Passage du pilote dans les arbres, au décollage par exemple. Le pilote en ressort, mais une branche a accroché la poignée de secours…
- Mauvaise gestuelle : le pilote tire lui même la poignée, involontairement, alors qu’il était en train de faire autre chose avec ses mains: tenter de s’asseoir en s’aidant des mains, bricoler ses réglages de sellette, ou même réaliser des manœuvres de pilotage (un décrochage volontaire par exemple)…
Il est temps de s’intéresser de près au parachute de secours. C’est l’objet de tout le chapitre suivant…
Nous reparlerons d’incidents de vol dans la 3ème partie de ce manuel de pilotage.